(Thalix) - le ciel a plus d'étoiles que le drapeau américain

Elle avait l'âme encore trop pure, Thaïs, le regard brillant comme une enfant qui lève les yeux vers les étoiles pour la première fois, ou pour la millième. Encore et encore. L'envie de bouffer le monde et de profiter d'une vie qu'elle savait, serait trop courte. Une vie qu'on lui arracherait probablement plus vite qu'on ne lui avait mis son premier râteau. Un discours défaitiste qui, sortant de la bouche de la blonde, sonnait plutôt comme une promesse de profiter, plus encore chaque jour, de chaque instant. Un contrat magique entre Thaïs et Thaïs, comme pour se dire que rien ne pourrait l'atteindre. Une protection et un réconfort qu'elle retrouvait chaque fois que son regard se perdait dans le haut lieu. Et ce soir, la voûte céleste lui offrait son plus beau spectacle, comme si, d'un commun accord avec le hasard, les étoiles avaient choisi de se montrer, moins timide qu'elles ne l'étaient à l'habitude. Comme si, pour elle, rien qu'une fois, elles s'étaient apprêté pour offrir à ses yeux lumineux, une danse envoûtante avec les planètes et ses songes. Dans le tumulte de ses pensées, la blonde avait laissé germer quelque part dans sa tête, l'idée de partager cette nuit à rêver sur les toits de sa ville. Et pour refaire le monde, il n'y avait pas mieux placé que l'âme la plus brillante qu'elle avait croisée dans ces rues qu'elle connaissait si bien. Alix. Solaire, phare éclairant la nuit de son navire à elle, capitaine d'un bateau que Thaïs ne savait pas si naufragé.
On l'avait traîné là dans cette usine désaffectée à quelque vingt minutes de Porte d'Orléans, et elle avait fini par suivre un petit groupe, tombant sur le toit ondulé d'où la vue sur le reste de la ville n'était que plus magique. La première fois qu'elle avait mis les pieds ici, Thaïs avait dix-sept ans. On l'avait traîné là dans cette usine désaffectée à quelque vingt minutes de Porte d'Orléans, et elle avait fini par suivre un petit groupe, tombant sur le toit ondulé d'où la vue sur le reste de la ville n'était que plus magique. Et depuis, elle en avait fait son cocon et puis c'était devenu le leur. Comme une promesse d'amitié sans limite qu'elle avait faite à son amie, un gage de sincérité, une ouverture sur son petit monde qu'elle avait tant de mal à partager.

Allongée là, le regard perdu dans le ciel, comptant les étoiles et les avions qui passaient, la main traçant les formes qu'elle pensait observer, Thaïs se sentait chez elle. Et être chez soit avec Alix, c'était quelque chose qu'elle aimait voir comme sa safe place en dehors de la coloc. "Tu feras attention, le ciel te fait concurrence ce soir, il pourrait briller presque aussi fort que toi." Thaïs avait lâché ça après un temps de silence, comme pour briser la quiétude qui les avait entourés le temps d'un instant. C'était ça aussi, les soirées nocturnes, pouvoir laisser libre court à ses pensées, même les plus simples, parce qu'elle savait pertinemment que quoi qu'elle puisse dire, aussi stupide sa pensée puisse être, elle n'avait pas à avoir peur d'un jugement qui lui ferait perdre tous ses moyens.

Alix est très terre-à-terre. Elle occulte souvent les choses qui font rêver les autres, ou alors ne les comprend pas. Ce qui la fait rêver, elle, ce sont les tissus, les matières, toucher de la soie ou faire rouler des perles entre ses doigts, les sentir glisser sur sa peau et embrasser son corps. Elle rêve de la douceur du daim et de la beauté froide du lamé. Pourtant, elle n’est pas non plus insensible à la beauté de sa ville, la nuit tombée. Elle sait que, si l’on s’élève un peu, peu importe où, on laissera au sol la dure réalité de la vie pour tomber nez-à-nez avec la grande dame, l’unique, la vraie, celle qui scintille cinq minutes toutes les heures, éclairant Paris de sa beauté. A ce moment-là, même Alix ne peut s’empêcher de rêver. C’est pour ça qu’elle aime Paris, pour cette petite montée d’adrénaline qu’elle ressent lorsque la splendeur de la capitale la touche à nouveau, alors qu’elle l’avait un temps oubliée. Ainsi, sous l’impulsion des mots prononcés par la belle créature à ses côtés, Alix lève la tête. Elle accepte, pendant quelques instants, de quitter le tissu, l’aiguille et le fil, pour observer le paysage. Interpelée par le commentaire de son amie, elle ne s’est pas rendue compte que les sequins, éclairés par la Lune, les étoiles et la Tour Eiffel, projetaient leurs reflets arc-en-ciel sur son visage et qu’il y avait probablement ça, aussi, qui la faisait briller.

Je brille que dans les boites gay du Marais, moi, réplique-t-elle avant de se tourner vers la belle blonde pour lui jeter son habituel sourire à la fois innocent et si malicieux. Elle prend une gorgée du vin rouge qu’elles ont emmené pour leur pique-nique mais fait la grimace. Décidément, le rouge n’est vraiment pas son truc. Elle préfère mille fois la douceur du blanc. Si elle avait le malheur de le dire encore à Andrea, il passerait son temps à lui expliquer pourquoi ce vin rouge est excellent, les notes, les touches, tout ce que le cerveau d’Alix n’enregistre pas, car de toute façon, elle n’aime pas le vin rouge et ne l’aimera jamais. A cette pensée, elle ricane puis rabaisse les yeux vers sa création. Elle y travaille depuis des semaines. Dès que les deux amies se retrouvent sur leur toit, Alix tente désespérément de travailler sur ce projet tandis que Thaïs rêve. Et souvent, elle finit par se laisser distraire. Et elles rient, et elles boivent, et elles parlent. Elles refont le monde toute la nuit. Elles dansent sur les toits. Et le projet pour Thaïs n’avance pas. Car c’est pour elle que la robe prend forme, lentement mais sûrement.

Il ne lui arrive pas souvent de réaliser des projets pour ses amies. Elle n’a pas forcément le temps pour ça, Alix. Bookée tous les soirs, ou presque, fatiguée le reste du temps, mais Thaïs, c’est spécial. Thaïs, c’est cette amie exceptionnelle qu’on ne rencontre qu’une fois dans une vie. Elle sait que Thaïs aime à la folie cette robe qu’elle met si souvent. Alors elle lui a créé la sienne pour qu’elle n’ait plus à envier celle d’Alix. Cette dernière remet alors le tissu à l’endroit et tend la robe à la blonde. Tiens, mets-la. J’ai plus que quelques retouches à faire et c’est toi qui brillera plus fort que les étoiles.

Ce qu'elle aimait le plus la nuit à Paris, c'était pouvoir se perdre dans le faux silence qui l'entourait. Un faux silence, parce qu'elle finissait par s'habituer si fort aux sons des klaxons impatients et de la cohue de la capitale, qu'elle en avait fait sa définition du silence. Est-ce qu'elle avait, d'ailleurs, déjà connu autre chose ? C'était ça, qu'était devenue sa quiétude et son apaisement. Le silence bruyant de paname. Quand elle ne passait pas ses nuits à vagabondé dans ses dédales souterrain, elle se perdait souvent dans ses rues, ne cessant jamais vraiment de redécouvrir ses recoins encore et encore. C'était là, toute la beauté de Paris. De son Paris à elle.

Elle est heureuse Thaïs, de passer cette si belle soirée avec Alix. Probablement parce qu'elle sait qu'ici, elle peut-être elle-même, refaire le monde et ne pas s'inquiéter de quoi que ce soit d'autre que d'elles deux. "Je brille que dans les boites gay du Marais, moi" Elle lui pose un regard en coin avec un sourire amusée. "Anh je rate. Et je suis jalouse. Comment ça tu brilles pour quelqu'un d'autre que mes beaux yeux, mon petit cœur se brise." Blondie fait la moue, mais elle ricane intérieurement. Evidemment qu'Alix DOIT briller pour le monde entier, on reconnait une future légende quand on en voit une, et ça n'arrive pas tous les quatre matins, pour sûre. Sa tête se tourne vers son amie et son regard se pose avec admiration sur le travail d'orfèvre qu'Alix s'applique tant à faire quand elles se pointent ici, Thaïs est loin d'être douée de ses deux mains pour ce genre de chose et elle a toujours eu une admiration certaine pour toutes les personnes qui, autour d'elle, étaient capable de faire des merveilles. C'était évidemment, sans surprise, le cas de miss Faure. Et lorsqu'elle lui tend la robe, lui indiquant de l'enfiler, le regard de Thaïs s'illumine. "Oh mon dieu. Alix. Est-ce que tu es en train de me dire que je vais pouvoir me pavaner avec une pièce de son altesse Faure dans tout paname et faire rager les rageux ?" elle tourne vers elle un regard illuminé, posant son verre à ses pieds, ne sachant pas trop quoi faire de plus, tant la surprise la prenait de court.

Depuis leur rencontre et sans que ça ne cesse, elle avait toujours été fascinée par les tenues d'Alix, tant parce qu'elles étaient parfaites pour illustrer ce qu'elle pensait de la blonde, que parce qu'elles reflétaient sans le moindre doute tout ce que son amie était destiné à être. Une supernova, plus brillante que le reste des astres qui l'entoureraient. Thaïs n'en avait pas le moindre doute. Alors elle était là, toute petite et complétement impressionnée qu'on ai pu penser à elle pour un cadeau qu'elle considérait comme si précieux, une attention qui la touchait au cœur et lui imposait un sourire niais.